Echange avec une océanographe sur la santé des Océans et la nécessité de les protéger

Echange avec une océanographe sur la santé des Océans et la nécessité de les protéger

Peux-tu te présenter ?

marie barbieux oceanographe


Je m’appelle Marie BARBIEUX, je suis océanographe de formation. J’ai fait un doctorat en océanographie à l’Institut de la Mer de Ville-Franche dans une équipe qui travaille notamment sur la bio géochimie des océans et le phytoplancton. Le sujet de ma thèse était de mesurer la répartition du phytoplancton grâce à des robots océaniques. Je suis désormais coordinatrice d’activités chez les petits débrouillards, dans leur antenne PACA de Nice. (ndlr : les petits débrouillards sont une association d'éducation populaire à la culture scientifique et technique)





En quoi consiste exactement le métier de coordinateur en médiation scientifique, et plus particulièrement en océanographie ?


Le métier de coordinateur scientifique regroupe plusieurs choses : l’aspect gestion de projet, le contact avec mon équipe d’animation et les aspects concrets de médiateur, donc aller animer. Il y a donc une grosse partie de création de contenu qui revient. On a du contenu déjà fait, qu’on utilise et qu’on réutilise mais pas que. Par exemple, il nous a été demandé il y a peu de temps de réaliser une animation sur la biodiversité nocturne et sur la pollution lumineuse, on a donc dû préparer le contenu adapté puisque c’était une première. La dernière partie concerne la relation avec la recherche et les scientifiques. Je suis en permanence en relation avec ces derniers et nos programmes sont notamment créés à la demande ou avec le financement de gros organismes de recherche comme l’INRA ou le CNRS. Notre cœur d’activité c'est vraiment de faire ce lien entre le public et la recherche.

Donc tu te spécialise sur les interventions en océanographie ?


J’ai découvert les petits débrouillards lorsque j’étais vacataire à leur compte. C’est une association qui promeut l’éducation des enfants, mais également celle des animateurs. Ces derniers reçoivent une formation quand ils entrent dans l’association pour pouvoir ensuite animer les ateliers scientifiques. Ça a donc été ma porte d’entrée dans l’association : je me positionnais sur ce type d’animation autour de l’océanographie, qui est mon domaine d’expertise. Maintenant que je suis coordinatrice, je connais tous les projets et je dois faire de la veille dans tous les domaines. Les petits débrouillards recouvrent ainsi 3 grandes thématiques principales : la transition écologique, la transition numérique et la transition sociale. Nous avons donc des animations principalement autour de ces 3 grands thèmes.

Quel est le public cible chez les petits débrouillards ?


Les petits debrouillards s'adressent historiquement aux 8-12 ans, mais avec le temps on s'est diversifié et on a maintenant des publics de 3 à 103 ans. Cela concerne vraiment tous types de formations et de public !


marie barbieux médiation scientifique

Crédit photo : Lola Reboud



Avec ta double casquette d’océanographe et de médiatrice scientifique, comment envisages-tu la protection des Océans ?


Fondamentalement ce qui m’a toujours motivé c’est de communiquer et partager autour de cette passion des Océans. C’est possible en recherche mais ça n’est pas le cœur de métier. C’est plus réalisable en médiation scientifique. Et à mon sens, la meilleure manière de protéger les Océans et de sensibiliser le public à cela, c’est de transmettre cette passion. En tout cas c’est comme ça que personnellement je l’envisage.

Au risque d’enfoncer une porte ouverte, quelle est selon toi la nécessité de protéger nos Océans ?


Actuellement, le problème c’est qu’on a un déclin massif des espèces terrestres et océaniques. On assiste à une perte massive de biodiversité qui est grave pour les espèces qui y vivent et aussi parce que l’océan représente 70% de notre planète. Notre climat est donc extrêmement régulé par les Océans. Les aspects de préservation de la biodiversité et de régulation du climat sont fondamentaux pour notre survie et c’est pour cela qu’il est absolument nécessaire de se pencher sur la préservation de nos Océans.

Concrètement, comment sensibilises-tu ton public à la protection des Océans ?


J’ai toujours envie d’orienter mes ateliers vers le “do it yourself”, notamment grâce à des petits ateliers pour trouver des alternatives au plastique. On peut facilement faire le lien entre la préservation des océans tout en restant sur une note positive. Je trouve qu’il faut toujours partir sur quelque chose d’optimiste pour garder les gens mobilisés et ne pas les déprimer avec du catastrophisme à outrance. Dans mes ateliers, j’essaye donc de balancer la partie sensibilisation parfois un peu sombre par des ateliers de création qui amènent à produire quelque chose de concret. Je retiens souvent une belle phrase du glaciologue Claude Lorius - d'ailleurs, je recommande vivement de visionner son documentaire "la glace et le ciel" - : “L’homme face à l’adversité trouvera toujours les possibilités d'évoluer et de tendre à mieux” et pour moi c’est vraiment la bonne vision à avoir. Faire du catastrophisme sans proposer une solution ou quelque chose de positif par la suite n’aide pas.

Comment cette journée mondiale des océans résonne-t-elle en toi ?


C’est comme la journée de la femme : c’est la journée ou on en parle alors qu’il faudrait en parler en permanence. Le principe est chouette parce que c’est une cause qui me tient à cœur, mais dans les faits, il faudrait se pencher sur le sujet 365 jours par an.

Quelles recommandations pourrais-tu faire à une entreprise du nautisme pour agir concrètement pour la préservation des Océans ?


Les entreprises du nautisme, et notamment les équipementiers, pourraient peut être déjà maximiser le nombre de produits faits à partir de plastique recyclé ou financer par ce biais l’achat et la recherche de certains produits en plastiques biodégradables. Sur l’aspect antifouling, essayer d’avoir des produits les plus respectueux possibles, avec des répulsifs naturels comme la citronnelle pour les moustiques par exemple ! Bon, en l’appliquant au milieu marin, mais tu as compris (rires). Globalement, il faudrait favoriser la R&D dans ce domaine. Pour moi, les solutions se feront par la recherche et le travail scientifique. Favoriser les petites entreprises qui recherchent des vraies solutions pourrait être un bon pas. Astrolab, c’est ainsi l’exemple de petite association qui pourrait permettre aux plaisanciers de s’impliquer facilement dans la recherche. Cette association, dont je suis membre, conçoit des kits de science participative. Ils ont par exemple conçu un kit qui comporte des capteurs de salinité et de température, et un second qui contient un petit filet à plancton pour ramasser les larves de poissons. Et il s’agit d’un domaine dans lequel on manque de données ! Ces deux kits sont conçus en lien avec des labos de Paris et Concarneau. Ce sont des kits très simples à mettre en place par les plaisanciers et qui permettent d’avoir des données concrètes dans des applications pour lesquelles on manque de données. Et Astrolab n'est pas seule à lancer ce genre d’initiatives !

Je pense que le monde du nautisme a vraiment sa carte à jouer et pas que de manière anecdotique. En mer, il y a des marins et des plaisanciers passionnés qui sont naturellement sensibilisés à la protection des océans. Il faudrait vraiment exploiter cette fibre là.