Pêche et réglementation : interview de Benoit Simon, rédacteur en chef du magazine Pêche en Mer

Pêche et réglementation : interview de Benoit Simon, rédacteur en chef du magazine Pêche en Mer

Nous avons eu la chance pouvoir interviewer Benoit Simon, rédacteur en chef du magazine "Pêche en mer" et expert reconnu dans ce domaine. Il nous a expliqué la réglementation en vigueur, ainsi que son point de vue sur la pêche après l'épisode Covid-19.

Peux-tu nous faire un petit point sur la réglementation générale dans la pêche ?

Les grandes restrictions de la pêche récréative concernent globalement deux espèces : le bar et le thon rouge, toutes deux menacées. Pour le thon, la réglementation reste à peu près la même depuis une dizaine d’années tandis que pour le bar elle change chaque année. Par ailleurs la réglementation pour le thon est nationale tandis que pour le bar elle diffère en fonction des zones. Ainsi, pour la pêche récréative du bar, la façade ouest française est coupée en deux par un parallèle, le 48eme qui se situe au niveau d’Audierne. Pour expliquer ce point brièvement : la mer est découpée en zones pour la pêche professionnelle, et chaque zone correspond à un stock de poisson bien précis, pour le bar il y a selon les schémas administratifs un stock nord et un stock sud. Dans le Nord, selon les scientifiques, le stock est plus menacé, d’où des quotas différents entre le nord et le sud. Dans les faits, au nord vous pouvez prélever deux bars par jour et par pêcheur du 1er mars au 30 novembre. Au sud, le prélèvement est également de 2 bars par jour par personne mais toute l’année. La taille minimale pour ramener un bar est de 42 cm, gabarit pour lequel on estime que le bar s’est déjà reproduit. C’est le gros enjeu actuel : ne prélever que des poissons qui se sont déjà reproduits pour pouvoir maintenir les stocks.

Et en Méditerranée, comment cela se passe-t-il ?

Concernant le loup en Méditerranée (le bar est appelé loup en Méditerranée) la situation est plus compliquée avec une réglementation franchement pas à la hauteur du problème : pas de fermeture et taille minimale de capture très basse… Dans cette mer, la configuration des espèces est aussi très différente : on pourrait dire que les poissons sont plus exotiques, on y retrouve par exemple des daurades coryphènes, des sérioles, des barracudas… Tout autant d’espèces que nous croisons dans les latitudes proches de l’équateur. Ainsi le loup se retrouve avec de sérieux concurrents sur son territoire.

Il y a donc eu des évolutions sur le bar, mais qu’en est-il des autres espèces ?

Comme nous l’expliquions précédemment, le thon rouge est lui aussi très réglementé depuis le milieu des années 2000. Tout d’abord, il n’est ouvert à la pêche de loisir que 6 mois dans l’année, du 1er juin au 15 novembre 2020, et sa taille minimale de capture est fixée à 115cm ou un poids à 30kg. Ensuite, il faut posséder une bague si l’on souhaite prélever un thon. Ces bagues sont distribuées par les autorités aux fédérations, qui elles-mêmes les redistribuent à leurs adhérents. Or au regard du nombre de pêcheurs,  il y a très peu de bagues mises en circulation. Plus précisément, avoir une bague par saison c’est déjà très bien ! Si vous ne souhaitez pas ramener de thon à la maison et simplement pratiquer le pêcher-relâcher, il vous faudra malgré tout une autorisation que vous obtiendrez après en avoir fait la demande auprès de la Direction interrégionale de la mer (DIRM) de votre région. A noter enfin qu’il existe différentes espèces de thons : le thon blanc, le thon albacore, thon jaune. Mais seul le thon rouge dispose d’une telle réglementation. Les autres espèces de thons ne sont pourtant pas moins menacées.

 

Peut-on tout pêcher aujourd’hui, le 10 juin ?

Au 1er juin, on peut effectivement tout pêcher, y compris le thon rouge mais en no-kill uniquement. Les deux périodes où l’on peut ramener le thon à terre si l’on dispose de bagues vont du 4 juillet au 30 août 2020 et du 14 septembre au 2 octobre 2020. Toutefois, si on veut pêcher un thon, l’idéal est vraiment de s’accompagner d’un guide de pêche : il aura le matériel et les compétences adaptées ; on ne ramène pas un thon rouge au bateau facilement ! Par ailleurs relacher proprement ce poisson demande un vrai savoir faire. Le thon rouge est un poisson très fragile, et même relâché immédiatement après la pêche, il peut mourir noyé s’il a mal été manipulé.
Le bar quant à lui est ouvert depuis mars au Nord.
On peut noter également que le maquereau est en train d’arriver sur nos côtes, on commence à en pêcher dans la Manche. C’est un poisson saisonnier qui arrive plus ou moins tard, en général vers Juillet. La daurade royale est aussi là ! Comme le maquereau, c’est un poisson saisonnier : elle revient à la côte à partir du printemps pour se nourrir de mollusques et de crabes, puis repart au large à l’Automne. Dès Avril, tous les pêcheurs les attendent, y compris les professionnels !

 

Le confinement a-t-il eu un effet sur le stock de poisson ?

Justement ! Concernant les daurades royales, en Avril, nous étions en plein confinement, il n’y avait donc personne pour les attendre : elles ont eu tout le loisir de gamabader et sont donc un peu moins méfiantes. Actuellement, il se prend de très beaux poissons… J’ai récemment vu passer une photo d’une daurade de 7 kg prise dans le Golfe du Morbihan ! Mais pour autant il faut rester raisonnable et ne pas oublier que ce sont aussi des poissons fragiles : laissez à l’eau les plus gros géniteurs par exemple, et n’en prélevez pas trop. Cela vaut pour toutes les espèces.

Actuellement, y’a-t-il des poissons plus présents que d’habitude, notamment grâce à l’absence de pêche de ces derniers mois ?

Outre les daurades et les bars nous avons, vers le Pays-Basque, les maigrettes. On a aussi des loups et des thons près de la côte en Méditerranée. Du Denti également en Corse. Et on espère voir arriver rapidement les sérioles.
Mais, selon moi, il n’y aura pas vraiment d’effet ultra-visible du confinement, celui-ci fût trop court pour permettre de vraiment faire remonter les stocks. Ceci dit, beaucoup d’espèces ont été tranquilles pendant leur période de fraie. Les poissons, et plus généralement toutes les espèces marines, ont pu reprendre leurs droits, ils sont donc moins méfiants et reviennent plus près des côtes. Cependant pour mesurer un vrai impact sur les stocks on estime qu’il faudrait laisser les poissons en paix pendant au moins deux cycles de reproduction



Est-ce que cette période de confinement et l’impact dont nous parlions précédemment peut faire émerger une prise de conscience de la nécessité de laisser plus de répit aux poissons ?

Concernant la pêche professionnelle, il y a aujourd’hui une sorte de consensus officieux pour dire qu’il faut laisser le poissons tranquille pendant ses 2-3 mois de reproduction, ne plus aller le pêcher au chalut sur les frayères. Cette pratique est aujourd’hui montrée du doigt par de nombreux acteurs et pour la première fois depuis les années 70 le plateau de Rochebonne, qui est une frayère à bars, a été interdite au chalutage cet hiver (période de reproduction du bar). Une preuve qu’on avance dans la protection de cette espèce même s’il reste encore beaucoup de chemin à faire.
Pour la pêche récréative, il faut rester raisonnable dans ses prélèvements et ne pas s’arrêter aux textes de loi. Ce n’est pas parce que certaines espèces ne sont pas réglementées qu’il faut les prélever à outrance, au contraire. Pareil pour les tailles de capture, 42 cm pour un bar cela reste petit, n’hésitez pas à vous fixer une barre un peu plus haute pour la conservation du poisson. Il y a aussi la notion de maille inversée qui commence à apparaître dans notre milieu, c’est à dire la volonté de ne pas garder des poissons trop gros, plus de 75 cm qui sont généralement d’excellents géniteurs. Seuls les efforts collectifs contribueront à améliorer ce merveilleux monde du silence ! Très bel été à tous.