Interview de Jean-Pierre BOYER, directeur de Navicap et bénévole à la SNSM

Interview de Jean-Pierre BOYER, directeur de Navicap et bénévole à la SNSM

Nous avons pu interroger Jean-Pierre BOYER, dirigeant de notre magasin du Cap d’Agde et bénévole à la SNSM afin qu'il nous parle de la pratique des sports nautiques avec sa vision de secouriste !

Bonjour Jean-Pierre ! Pour commencer, présente-nous un peu le contexte de ton entrée à la SNSM : depuis combien de temps y es-tu, quel est le rythme…


Je suis à la SNSM depuis 2011 en tant que sauveteur-nageur de bord, c’est-à-dire que j’assure le transfert sur les bateaux sinistrés. Dans la station du Cap d’Agde où je suis bénévole nous disposons d’une vedette de classe 2 de 2014 qui mesure 12,5m et qui est équipée d’un semi-rigide pour se rapprocher des bateaux sinistrés.

En ce qui concerne le rythme, nous ne sommes pas assez nombreux pour qu’il y ait des équipages d’astreinte avec des roulements. Nous sommes donc tous en astreinte permanente, aussi bien le jour que la nuit. Actuellement par exemple, nous sommes 10 équipiers de disponibles et nous avons eu 6 interventions la semaine dernière. Nous sommes pratiquement toujours les 10 mêmes. Nous sortons environ une cinquantaine de fois par an, et 75% de ces sorties sont réparties entre mai et septembre avec un gros pic lors des premières sorties car les gens ont hâte et ne vérifient pas toujours que leur bateau est en état. Globalement, le rythme de nos interventions suit la courbe du nombre de sorties en mer. Cette année, la saison commence tard, forcément. Il y a beaucoup de monde sur l’eau, et les bateaux sont beaucoup moins bien, voire pas, préparés du tout à naviguer, ce qui pose problème.

Juste pour votre information, la population ici au Cap d’Agde est multipliée par 100 pendant l’été : nous sommes environ 3000 à l’année et sur tout l’été la population dépasse souvent les 300 000 habitants. On comprend donc pourquoi nous avons plus d’interventions à cette période !


Quelles sont les interventions les plus fréquentes ?



La première cause de sortie pour nous, c’est la panne moteur, que ce soit voilier ou bateau moteur. Nous sortons donc principalement pour des assistances de remorquage.
Ensuite vient l’échouage. Il faut savoir qu’à l’entrée du port il y a une zone rocheuse… Nous en sommes donc à notre 6ème déséchouement depuis le début de la saison à cause de ça ! Une autre grosse source d’inquiétude pour nous, ce sont les kitesurfs, les paddles et autres engins de plage. En effet, dès qu’on s’éloigne à 100m de la côte, le vent peut monter assez considérablement et beaucoup se font piéger. Il y a aussi pas mal de courant, on peut donc dériver assez rapidement surtout par vent de Nord-Ouest. Beaucoup de touristes en paddle se font ainsi avoir car ils ne connaissent pas les phénomènes météos locaux.
Les accidents en planche à voile et kitesurf sont aussi assez fréquents, et il y a de tout : beaucoup de casse matérielle, ou des novices qui s’éloignent de la côte et ne réussissent pas à revenir en remontant au vent. Dans les deux cas, la fatigue physique est le plus grand danger de ce type de pratiques.
Une partie de nos sauvetages sont aussi des interventions sur des engins de plage : ces embarcations ont beaucoup de prise au vent et dérivent vite ! Le plus gros risque dans le cas de ces engins, c’est le fait de chercher à rejoindre l’engin à la nage car on nage moins vite que l’engin ne dérive et on est souvent à bout de force une fois que l’on a enfin rejoint l’engin. Dans ce cas, mieux vaut prévenir les secours pour limiter le sur-accident. En priorité, prévenez les sauveteurs de plage s’il y en a sur place, ils pourront intervenir beaucoup plus rapidement.

La prévention joue un rôle crucial pour éviter les accidents. Voici ce que cela inclut :
- Prendre la météo
- Connaitre sa capacité physique
- Prévenir des gens à terre de son départ, son itinéraire et son heure de retour prévue
- Vérifier son matériel
- Préparer son matériel de sécurité

Dans la préparation, il y a également l’hydratation. Nous avons eu plusieurs cas de personnes parties naviguer à la journée et retrouvées totalement désorientées à cause d’une insolation ou, à l’inverse, d’une hypothermie. En effet, le froid est aussi à prendre en compte, même en plein été : un orage, du vent ou du brouillard peuvent faire sérieusement baisser la température.


D’ailleurs, ceux qui s’éloignent, comme les planches ou les kites n’ont pratiquement jamais de matériel de sécu alors qu’un tel matériel multiplie par 100 les chances d’être retrouvé. Et cela ne comprend rien de très encombrant : on parle ici d’une lampe flash et d’une VHF étanche, voire d’une fusée de détresse. C’est moins nécessaire en paddle car on s’éloigne moins, mais même le gilet, qui est pourtant un basique, n’est jamais porté ! On comprend que cela tient parfois chaud et que c’est encombrant, dans ce cas il suffit de s’équiper d’un gilet gonflable manuellement à porter en ceinture : beaucoup moins contraignant et cela peut vous sauver la vie !

 

    

Et en ce qui concerne les kites et les planches à voile, c’est pire ! Ils ne portent que très rarement des gilets alors qu’ils s’éloignent beaucoup plus de la côte. Ça me rappelle le cas d’une kite-surfeuse que nous avons retrouvé de justesse une nuit l’été dernier : elle n’avait aucun moyen de repérage lumineux, nous avons eu beaucoup de chance de la récupérer.

Pour les autres loisirs nautiques, les accidents de bouée, wake ou ski nautique sont plus souvent liés au non-respect des règles de signalisation, ce qui entraine régulièrement des collisions aux conséquences dramatiques. Il est primordial de bien respecter les règles de bases de chaque pratique : une personne pour observer, bien penser à installer une flamme orange qui signale que l'on est en train de tracter, s’équiper d’un mousqueton de largage rapide, ne pas aller trop vite…

  

 

Et les bracelets comme le seatag/olas ?



Le problème de ces bracelets c’est qu’ils ne localisent pas la personne, ils sont donc moins efficaces pour ces pratiques. En revanche, ils sont très utilisés par des familles qui veulent surveiller les enfants sur la plage : dès que l’enfant s’éloigne trop, le signal bluetooth est coupé, ce qui alerte immédiatement les parents !





Comment déclencher les secours, et que se passe-t-il une fois les secours déclenchés ?


La première chose à faire en cas de doute, c’est vraiment de prévenir le centre de secours de la plage. S’il est trop loin ou fermé, il faut appeler le 196 pour le cross, pas les pompiers ni la police ! Pas les pompiers car ils n’ont pas les moyens et ne sont pas opérationnels sur les sauvetages en mer. Pour aider les sauveteurs, il faut donner un maximum de détails sur la localisation et les circonstances de l’accident. Le CROSS peut être à des centaines de kilomètres : ils ne connaissent donc pas forcément la zone et une mauvaise localisation fait perdre beaucoup de temps. La précision permet aussi d’envoyer la bonne station de secours.

Par exemple, vendredi j’ai été réveillé à 2h pour une intervention suite au déclenchement de fusées de détresse. Nous avons passé 3h à quadriller la zone en mer, alors que les fusées n’ont pas été envoyées depuis la mer mais sur l’étang de Tau : les moyens n’étaient pas adaptés car la vedette mise en place ne pouvait pas aller sur l’étang. C’est la station présente sur l’étang qui aurait dû être avertie…. Tout cela à cause d’un mauvais témoignage du témoin.

Une fois que le cross est appelé et qu’il dispose de toutes les informations, il adapte les moyens nécessaires. Par exemple, s’il s’agit d’un enfant à la dérive sur un canot, ils vont envoyer directement un hélicoptère de la sécurité civile ou de la police.

Si l’intervention est très urgente, nous sommes équipés d’un BIP que le CROSS déclenche directement. Dans ce cas, on ne sait pas pourquoi ça sonne : cela nous maintien dans l’urgence quel que soit l’accident.
Le CROSS appelle ensuite le patron de la vedette, qui déclenche ensuite l’équipage en choisissant les moyens et l’appui nécessaire. Dans certaines zones plus dangereuses, les vedettes sont déjà sur zones en astreinte, dans l’attente d’un accident.

Il faut savoir que le délai moyen de départ de la vedette du port est de 15-20min… Mais comptez plutôt 1h pour son arrivée sur zone ! C’est pour cela qu’il ne faut pas attendre qu’une situation dégénère franchement si vous rencontrez une difficulté. D’autant qu’il y a parfois un délai de déclenchement de l’alerte s’il y a beaucoup d’interventions en même temps.